lundi 28 octobre 2024

Montherlant et le sacré-collège

Source: Montherlant, Théâtre, NRF, Gallimard, 1972.

Malatesta

 

Dans la distribution: 

 

Le Pape Paul II, 60 ans 
Le cardinal Rodrigue Borgia (plus tard Alexandre VI), 37 ans
Le cardinal de Pavie 
Le cardinal Marcanova 
Cardinaux
 

Papes nommés dans les répliques:


Acte I, Scène VII: Boniface VIII 
Acte II, Scène IV: Pie II, Eugène IV 
Acte II, Scène V: Pie II
Acte III, Scène III: Paul II, Sanctus Petrus 
Acte III, Scène V: Pie II, Pierre 
Acte IV, Scène X: Pie II 
Dans Malatestiana, Montherlant cite encore:
Clément VII p.427 
Pie XI p.428 
Pie II p.439- 440 
 

Cardinaux intervenants, didascalies et nombre de répliques:

 

Acte II, scène IV
Un cardinal 3 
Un autre cardinal 1 
Le cardinal Marcanova 2 
Plusieurs cardinaux font mine de tirer leurs épées. 
Un cardinal 2 
Le cardinal Marcanova 2 
Le pape fait signe aux assistants de se retirer. Ils se retirent, non sans hésitations. 
 
Acte III, Scène III 
Le pape s’assied en retrait d’un balcon, et cause avec les cardinaux et les courtisans. 
Le cardinal Borgia 3 
Le côté jardin où étaient les cardinaux tombe dans la pénombre. 
Le cardinal de Pavie 2 
 
Acte III, Scène IV 
On découvre Borgia et Platina qui vont traverser la scène devant le décor de tulle, de cour à jardin. 
Le cardinal Borgia 4 
Platina et Borgia sortent. 
 
Remarques provisoires pour faire le lien avec d'autres pièces: 
Acte IV scène I, scène d’amour avec une enfant de 13 ans; scène VI, Achille, scène X, Marius et Pompée comme dans la Ville . 
P.459 Montherlant explicite des points communs avec La Ville. Une scène clé est la tentative de se confesser. Il faut explorer aussi que le personnage du directeur de collège de la Ville est devenu cardinal. Il y a également une pièce sur Pompée.

Le Cardinal d'Espagne

 

Dans la distribution:

 

Le cardinal Francisco Ximenez de Cisneros, archevêque de Tolède, primat des Espagnes, Grand Chancelier de Castille, Grand Inquisiteur de Castille et de Leon, régent de Castille, 82 ans.
Note p.1112: Ximenez est le patronyme du cardinal et Cisneros son nom de terre. Jusqu'au XIXème siècle, on ne l'a appelé partout que Ximenez. Aujourd'hui, les Espagnols de l'appellent que Cisneros. 
 

Pape cité dans les répliques:

 

Acte II, scène III 
Le pape (Jules II)
 

Didascalies et nombre de répliques:

 

 
Acte I, scène IV Le cardinal est en robe franciscaine, de bure grossières, grise (grise et non brune), la corde de chanvre à la taille, les pieds nus dans des sandales de chanvre, la t'ete nue et tonsurée. Sa dignité n'est indiquée que par une croix pectorale en or, sans pierreries ni orfèvrerie, attachée à un cordon noir sur sa poitrine.
Cisneros 1
Acte I, Scène V
Cisneros 16
Acte I, Scène VI
Cisneros 11
Acte I, Scène VII
Cisneros 29
Acte I, Scène VIII
Le cardinal reste un moment immobile, puis il agite une sonnette.
Cisneros 2
 
 


Acte II, scène III
Le cardinal paraît: il est grande tenue cardinalice (coiffé du grand chapeau), quoique avec les pieds nus comme au premier acte. 
Cisneros 68
Acte II, scène IV
Cisneros 2
Acte II, scène V
Cisneros 7
 
Acte III, scène I
Cisneros est assis à sa table de travai, en petite tenue cardinalice, toujours les pieds nus dans des sandales.
Cisneros 9
Acte III, scène II
Cisneros 22
(Déboutonnant sa mozette et sa soutane) Voici la bure (Désignant la bure.) Et le cilice sous la bure...
Cisneros 26
Acte III, scène III
Le cardinal reste silencieux pendant les répliques suivante. Les paupières closes, ratatiné et complètement perdu dans ses vêtements sacerdotaux, au fond de son fauteuil, il paraît épuisé.
Cisneros 3
Acte III, scène IV
Cisneros 5
Acte III, scène V
Cisneros 26
Acte III, scène VI
Cisneros 5
Il commence sur sa poitrine le signe de croix, qu'il ne peut finir, et s'écroule. Il n'est pas étendu mais recroquevillé sur lui-même, rapetissé comme une mouche morte. 
 
NDLR:
Francisco Jiménez de Cisneros est nommé cardinal par Jules II en 1507 soit 4 ans avant Mathieu Schiner.
Le cardinal Cisneros (frère mineur franciscain, à capuchon arrondi) apparaît dans la pièce comme portant son habit de franciscain et répugnant à s'habiller en cardinal.
Montherlant précise que sa bure doit être grise et non brune à la manière des cordeliers ou des greyfriars, on peut encore visiter Gråbrødretorv, la place des frères gris à Copenhague.
C'est exactement ce que s'est proposé de faire à l'époque contemporaine le cardinal Cantalamessa (frère mineur capucin, à capuchon pointu) dont on pourra voir et lire le portrait dans Quel cardinal italianoïde a le nom le plus rigolo.
 
 


La Ville dont le Prince est un enfant

 

Cette pièce existe en plusieurs versions et l'intrigue sert au roman Les Garçons.
 
Il y a des couple de personnage dans cette pièce qui peuvent se construire en parallèle avec d'autres oeuvres et la bibliographie de Montherlant lui-même.
 
La Ville dont le Prince est un enfant:
André Sevrais vs abbé de Pradts
Abbé de Pradts vs abbé Pradeau de la Halle, supérieur
Le jeune élève s'est appelé successivement Serge Sandrier, Serge Soubrier puis Serge Souplier
 
Les Garçons
Alban de Bricoule vs abbé de Pradts
Abbé de Pradts vs abbé Pradeau de la Halle, supérieur
 Le jeune élève est Serge Souplier
 
Malatesta
Malatesta vs le pape (pp.459, 782)
 
Le Cardinal d'Espagne
Cisneros vs les rois Ferdinand et Charles (p.1201)
 
Bibliographie
Montherlant vs abbé de la Serre (pp.457, 463)
Abbé de la Serre vs abbé Pierre André Charles Petit de Juleville 
Le jeune élève est Philippe Giquel

Or l'abbé Juleville a été créé cardinal par Pie XII en 1946

Dans:
Narcisse Praz, Luxure et châtiment, Genève, Slatkine, 2018, p. 241. L'élève Théo Sornioz lit en 1945 un manuscrit de la pièce et en parle au surveillant de son internat le père Jean Moret, dans une mise en abyme étonnante. Il avoue se reconnaître dans cette pièce, ce qui fait dire au prêtre: voilà une fantaisie que je pourrais concevoir si vous portiez le prénom de Narcissse (.p.242) Il y a un anachronisme dans la le roman puisque le personnage s'appelle Souplier. 
 
P.S:
Il existe un pastiche de cette pièce dans Burnier & Rambaud, Parodies, Balland, 1977, et nous ouvrons donc ici un curieux chapitre. Voici d'abord comment s'articulent les couples de personnages dans ces
 
Parodies
Armand de Ricoule vs abbé de Lignères
Abbé de Lignère vs abbé Berthaux de Saint-Echay
Le jeune élève est Alexandre de Beauchacour

Les Culottes courtes

Le pastiche de La ville dont le prince est un enfant s'intitule Les Culottes courtes
Dans la préface l'auteur prétend avoir rencontré le pape et la cardinal Angelo Vabene.
 
Voici la distribution:
 
M. L'ABBE DE LIGNIERES, préfet de la division des "moyens",  35 ans et cinq mois. Soutane élimée, mais propre- Cheveux en brosse, l'air pénétré, bourru.
 
ARMAND DE RICOULE, élève de troisième, 19 ans et quatre mois. Culottes très courtes sur des jambrs maigres, frêle duvet d'adolescent.
 
ALEXANDRE DE BEAUCHACOUR, un "petit" de quatrième , 17 ans et six mois. Culottes trop larges, blondinet, effronté. Les cheveux en frange. Une tache de mercurochrome vermillon sur son genou droit.

M. L'ABBE BERTHAUX DE SAINT-ECHAY, Supérieur du collège, 72 ans et vingt-neuf rois. Soutane rapiécée. L'air autoritaire. C'est un meneur d'hommes.
 
 
 

 
Berthaux, Blignères, Beauchacour 

On s'amusera à remarquer dans ce pastiche que l'abbé Berthaux de la farce à des homonymes célèbres, dont l'abbé Victoir-Alain Berto (1900-1968) et théologien de Marcel Lefebvre au concile et le chanoine René Berthod (1916-1996) qui fut supérieur du séminaire d'Ecône de 1973 à 1977 et de facto porte-parole du même Marcel Lefebvre. Il fut directeur de collège.
Quant à l'abbé de Lignière, il a également des paronymes connus dont l'abbé Olivier de Blignères (1949- ) qui quitta le monastère bénédictin fondé dans l'ancien séminaire des chanoines où il était entré en août 1972, pour rejoindre Ecône en septembre 1975 et en être renvoyé en décembre 1976 alors que le séminaire était dirigé par le chanoine Berthod juste avant la démission de celui-ci en juin 1977. On remarquera avec étonnement que ce pastiche est contemporain de ces événements. Il est aujourd'hui directeur de collège.
Enfin l'élève s'appelle Alexandre de Beauchacour qui est un paronyme de Christian Bouchacourt (1959-) qui depuis 2018 est élu second assistant général de la Fraternité donc son numéro trois, après Davide Pagliarini et Mgr Alfonso de Galarreta. Né le 10 mars 1959, il a 18 ans en 1977.

Montherlant a été plusieurs fois contraint de changer les noms de ses héros à la demande d'homonyme, notamment dans Les Jeunes Filles (Costa/Costals) et dans La Ville dont le prince est un enfant. (Sandrier/Soubrier/Souplier). 
 
Le cas de La Ville dont le prince est un enfant, est double. Dans l'édition de 1951, le héros s'appelle Serge Sandrier, il sera interprété en 1952 par la troupe des Belles-Lettres de Genève par Yves Altmann (L'Impartial, 7 février 1953, p.5), Montherlant l'autorisa à porter désormais le nom d'Yves Sandrier et transforma le nom du personnage en Serge Soubrier. Il sera à nouveau interprété en 1967 par Philippe Paulino et Pascal Bressy sous le nom de Serge Souplier à la requête d'un homonyme. Yves Sandrier mourra à vint ans en 1958 d'une lymphogranulomatose maligne, après avoir vendu un disque chez Philips pour financer ses soins et un disque posthume grâce à Radio-Genève.
 
On peut se demander si ses pasticheurs n'ont pas autant de malchance que lui dans leurs choix onomastiques. Car il est raisonnablement incongru de penser qu'ils visaient les paronymes cités ici.

Les déboires de Montherlant avec ses héros de roman porte sur l'onomastique, mais également sur le caractère où certaines ont cru se reconnaître..
Un certain Pierre Costa avait en effet intenté un procès à Montherlant pour le contraindre à masquer son son nom dans Les Jeunes Filles et le cycle qui suit, dont le héros un an après la parution va être changé en Pierre Costals.
On lit dans le Figaro du 9 janvier 1937.
 « M. Henry de Montherlant a reçu du papier bleu et il aura son procès. M. Pierre Costa exige que le héros des Jeunes filles et de Pitié pour les femmes change d’état civil. Les tribunaux lui rendront sans doute raison : la jurisprudence a une constance accablante dans cette sorte de conflits des romanciers avec la réalité. Les noms et prénoms appartiennent d’abord aux vivants, les créatures romanesques doivent se contenter du reste s’il en reste. » Mais le procès traine et Costa sera débouté par le tribunal, alors que le changement a déjà été fait sur la fiction. 
Donc il ne suffit pas d'avoir le même nom qu'un héros pour prouver qu'on est atteint par un roman. Une autre affaire à propos du même cycle de romans de Montherlant concerne les héroïnes féminines du texte:
Andrée Hacquebaut et Solange Dandillot auxquelles plusieurs femmes se sont plaintes de s'identifier contre leur gré:
Cette guéguerre, selon le mot employé par Pierre Duroisin commantant la correspondance de Montherlant et d'Alice Poirier est assez comique.
D'abord Henriette Charasson prétend reconnaître Andrée Hacquebaut dans une femme connue que le landerneau littéraire va deviner comme étant Jeanne Sandelion, qui commente la nouvelle sous le nom de Hélène Sorgès qui ne trompe personne non plus.
Jeanne Sandelion aurait écrit un roman pour répondre à Montherlant inspirant Costa sous le nom d'Alonzo. Henriette Charasson dénonce donc la muflerie de Montherlant.
Puis Montherlant réplique en disant que la vraie inspiratrice de Andrée Hacquebaut avait été dûment avertie et avait lu les épreuves. Il n'est pas dupe que Jeanne Sandelion ne cherche qu'à promouvoir le roman qu'elle a écrit sur lui.
Intervient alors une amie de Montherlant, Alice Poirier qui tente de proposer une autre identification, Montherlant se serait inspiré de Jeanne Sandelion, qu'elle ne nomme pas, mais en partie pour le personnage de Solange Dandillot et en partie pour Andrée Hacquebaut.
Correspondant avec Jeanne Sandelion, Montherlant la soupçonne de mythomanie. 
Hélène Sorgès fera amende honorable en reconnaissant que Montherlant avait emprunté pour forger ce personnage des éléments de quatre personnes et que donc Andrée Hacquebaut est un puzzle.
Pour en finir Montherlant signale que la véritable Andrée Hacquebaut prenait mal les fantasmagories de la Hélène Sorgès. Mais que même si elle l'avait bel et bien autorisé à révéler son nom, il ne fera pas.
Alice Poirier et Jeanne Sandelion ont chacune écrite un roman miroir aux Jeunes Filles. 
Et c'est donc Alice Poirier correspondant avec Montherlant qui se reconnait à la fois dans Andrée Hacquebaut et dans Solange Dandillot. 
Montherlant conclue l'affaire en embrouillant les pistes.
Tout ceci est bien résumé et l'affaire complète est racontée dans Pierre Duroisin, La géguerre autour des Jeunes Dilles et de Pitié pour les femmes, 
 
 
Ricoule 
 
Du même auteur, on pourra lire:
On vient de voir que les noms de trois personnages sur quatre de ce pastiche renvoient à l'histoire d'Ecône. Comme on ne peut raisonnablement pas penser que les pasticheurs l'aient fait exprès, pas même pour reproduire les embarras récidivant de Montherlant, force est de constater qu'ils ont un certain talent prophétique. Ce qui n'interdit pas d'en faire une lecture conspirationniste.
Alban de Bricoule est un personnage qui intervient dans Le Songe, 1922, Les Bestiaires, 1926 et Les garçons, 1969. Dans le pastiche cité ici il est le seul qui garde un nom proche Armand de Ricoule. Contrairement au trio Berthaux, Blignères, Beauchacour, il ne semble faire aucunement allusion à la Fraternité sacerdotale St-Pie X. 
Mais le Séminaire d'Ecône a été construit dans une zone arboricole spécialisée dans la culture de l'abricot. 
Pour s'y rendre on emprunte l'E62 autrement dit la route nationale A9 et l'on sort à la sortie 23 à Saxon.
Or juste sous la bretelle d'autoroute, il existe un magasin de liqueur d'abricot dont la raison sociale est Abricool, la paronymie avec Armand de Ricoule et Alban de Bricoule est frappante.
 
 
A l'est Abricool S.A. chemin de la Grande Barre 56 Fully. à l4,5 km à l'ouest le Séminaire d'Ecône.
 

Vabene
 
A contrario, alors que dans la postface de 1954 à La ville dont le prince est un enfant. Montherlant raconte qu'il a soumis son texte à l'archevêque de Paris Maurice Feltin, les pasticheurs de 1977 forcent le trait en le jetant directement aux pieds du Souverain Pontife et du cardinal Angelo Vabene, on le lit dans l'Avant-propos sous la forme d' une lettre A Monsieur l'abbé de Lardinois, curé de Notre-Dame-ses-Sept-Douleurs (Pontarlier) alors que la lettre originale de Montherlant s'adresse A Monsieur l'abbé C. Rivière, curé de La Bastide de Besplas (Ariège).
Il reste donc un peu de travail pour les exégètes. 
Pour l'instant le seul gag qui nous apparaît pour faire écho au cardinal Vabene? dans cette lecture serait le cardinal Gut! mort en fonction comme cardinal-préfet de la Congrégation des rites en 1970. C'est au pied de ce cardinal qui était suisse que Mgr Lefebvre témoigne s'être précipité pour tenter d'empêcher dans la réforme liturgique la permisson de donner la communion dans la main.


 

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